Dans mes deux billets précédents, j’ai positionné le social-libéralisme, un mouvement politique équilibré. Celui-ci cherche à construire sur la base d’un système libéral une société dont la dimension sociale est affirmée pour aboutir à un système équitable. Si vous avez manqué les – relativement longs – épisodes précédents, prenez le temps de lire le billet 1 et le billet 2 qui traduit de manière synthétique mes convictions politiques au niveau macroscopique.
Je développerai certains sujets au fil du temps et j’enrichirai cela de différents points, dont le 3e axe majeur que constitue l’écologie. Je n’ai pas voulu l’introduire pour l’instant car rajouter une dimension supplémentaire aurait fortement compliqué mon message et ma priorité était de sortir de la première dimension. J’espère aussi aborder au fil du temps certains thèmes importants comme l’opposition dépassée entre salariés et entreprises, la justice fiscale ou encore la démocratie représentative.
Mais tout d’abord, revenons sur mon axe simpliste gauche-droite que j’ai fortement décrié. Il présentait tout de même un avantage, que les extrêmes voient d’ailleurs comme un inconvénient. Lorsque les Français n’étaient plus contents du gouvernement, ce qui était le cas à peu près à chaque cycle d’élection de mon vivant, ils mettaient leurs espoirs dans l’opposition latéralisée de l’autre côté. C’était tout de même un avantage pour moi dans le sens où les partis dominants étaient fondamentalement respectueux du processus démocratique, n’envisageaient pas la nationalisation totale de l’économie, ni l’abandon d’un minimum de justice sociale.
Mais vu de quelqu’un qui veut faire table rase de tout le système, cela était aussi vu comme une forme de complicité, comme l’a bien dénoncé de manière constante l’extrême-droite, mais aussi certaines formations d’extrême-gauche, même si leur poids politique jusqu’à la dernière élection restait modéré. Cependant, l’impact des extrêmes a toujours été présent, car ils permettent de donner ou non une majorité à son « côté » de l’extrême, si tant est que le côté soit pertinent pour les ranger. Mais il n’est pas certain que le modèle unidimensionnel soit adapté aux extrêmes. On a souvent entendu dire que les extrêmes se rejoignaient et les événements récents ont donné une forme de réalité à ce vieil adage. Le dessin ci-dessous illustre assez bien les ressorts communs du populisme, qu’on décide de le placer à gauche ou à droite dans ce référentiel quelque peu éculé.

Quoiqu’il en soit, l’opposition à un système social-libéral tel que mentionné, avec un positionnement relativement central, devient de facto les extrêmes, puisqu’il n’y a plus de droite ni de gauche significativement présente. On l’observe de manière très concrète en ce moment, et c’est à mon sens le grand danger induit par le fait d’avoir trouvé une voie plutôt sage au centre.
De fait, les populistes occupent totalement l’espace médiatique et il n’y a plus aucun complexe à affirmer n’importe quoi même si cela ne résiste pas à un fact checking rapide. Le dernier délire sur le traité d’Aix-La-Chapelle en est l’incarnation la plus risible mais il y en a beaucoup d’autres. De toute façon, dans le monde d’aujourd’hui, seule l’émotion instantanée compte et mobilise, peu importe s’il n’y a pas de projet derrière la critique ou le raccourci, il en reste toujours quelque chose.
On voit donc les représentants des partis populistes donner de la voix, et, fait nouveau, ils se font même éclipser par de nouveaux héros individuels dont le seul mérite est de n’avoir pas peur de se mettre en avant, même s’ils n’ont aucune capacité de réflexion. D’une certaine façon, c’est même un atout, car à trop pouvoir réfléchir ils feraient partie de ‘l’élite’. Or, le plus important est désormais de dénoncer cette élite, et quoi de mieux que de se montrer vindicatif et primitif ? Cela prouve qu’on comprend le français moyen ! Il est évident que le raisonnement a ses limites, mais qui parle de raison ? Il s’agit bien plus de résonner que de raisonner.
De manière assez amusante, cette période me permet de comprendre après coup ce qui s’est passé aux Etats-Unis quelques années avant nous. En suivant cela d’assez loin, j’avoue avoir eu beaucoup de mal à comprendre comment Donald Trump avait pu être élu. Cela semblait improbable et encore plus étonnant derrière Barack Obama, dont l’intelligence se percevait à chaque discours, et qui avait de plus réussi à introduire dans le système américain un minimum de couverture sociale, l’un des points faibles les plus évidents du système américain.
Avec un peu de recul, Obama est probablement en réalité l’une des raisons de l’élection de Donald Trump. Même si le système politique n’est en rien comparable avec celui de la France, le parallèle est assez notable. Un nouveau clivage est apparu entre les citadins pour qui Obama est devenu une évidence et les ruraux qui ont trouvé dans Donald Trump un représentant spécialiste de la corde émotionnelle et de la provocation. Pour les citoyens américains un peu plus ouverts sur le monde et instruits, le personnage paraissait totalement peu crédible à ce degré de bêtise affichée. Mais pour d’autres, ses revendications simplistes et marquantes, comme le mur avec le Mexique, faisaient de lui le légitime représentant du peuple face à l’inaction du pouvoir politique.
Il est d’ailleurs important de comprendre ici que, quel que soit le degré d’action mené par un gouvernement, on pourra toujours le taxer d’inaction, puisque par définition, il y aura toujours tout un tas de problèmes à régler. Et même si ce n’est pas complètement de son ressort, on pourra toujours lui coller n’importe quel problème sur le dos, peu importe que ce problème existe depuis la nuit des temps ou soit la conséquence d’une crise majeure dont le gouvernement en question n’est pas directement responsable. Il suffit de voir le procès lancé contre le gouvernement français pour inaction climatique. Il est évident que le problème dépasse largement le cadre de la France, et, même s’il est aussi flagrant que l’on n’agit pas assez vite sur ce sujet, il n’est pas certain qu’attaquer un gouvernement dont le chef de l’état s’est fait l’un des porte-parole du sujet au niveau international aide la cause en question.
Pour en revenir à Trump, il a articulé beaucoup de son discours autour des étrangers, l’un des ressorts classiques du populisme, et a su ainsi embarquer environ la moitié des électeurs américains, avec l’aide des réseaux sociaux et probablement la complicité de la Russie. Que ce soit la haine des étrangers avec Marine Le Pen, la haine des riches avec Jean-Luc Mélenchon, ou la haine des « élites » (mot au sens large qui a le mérite de pouvoir englober tout ceux qu’on jalouse pour une raison ou une autre) avec la fièvre jaune qui secoue le pays depuis quelque temps, le populisme trouve un écho d’autant plus important que la ligne gouvernementale est équilibrée.
J’exprimais également par mon schéma « pivoté » la direction tournée vers l’avenir, car je crois vraiment qu’on ne peut rien sortir de bon sans se projeter avec un minimum d’optimisme et de volonté. Sans être naïf vis-à-vis de certains enjeux, à commencer par le réchauffement climatique, il ne sert à rien de chercher des solutions pour revenir au passé, que les populistes nous resservent parfois avec un angélisme dont ils ne sont en réalité pas dupes. La réouverture des centrales à charbon par Trump ou la nostalgie du passé cultivé par notre Marine Le Pen ne sont pas des solutions.
Le choix qui s’offre à nous se résume désormais en une alternative assez simple, soit celui de la construction et de l’unité avec un équilibre social à maintenir, soit celui du retour en arrière et de la haine de l’autre (l’étranger, le riche ou l’élite) qui n’apportera pas pour autant une solution durable.
Bref, avancer ou reculer, c’est à nous de choisir, mais le temps de l’immobilisme semble en tout cas révolu.
Daniel
2 commentaires sur “Quelle opposition face à un système social-libéral ?”